RDC et République du Congo: Les forestiers arnaquent le fisc congolais
Un rapport publié par Greenpeace l'affirme. Danzer aurait recours à un système de transfert des profits à l'étranger pour éviter qu'ils soient taxés en RDC et au Congo. "Nous payons nos impôts", conteste le groupe forestier.
Un an après avoir publié un rapport sur le pillage des forêts congolaises et ses conséquences sur la population, la biodiversité et les émissions de gaz à effet de serre, Greenpeace porte à nouveau le fer au feu. L'ONG active dans la défense de l'environnement a publié mercredi un nouveau rapport qui accuse les sociétés forestières occidentales d'avoir élaboré un système d'évasion et de fraude fiscale en République démocratique du Congo (RDC) et en République du Congo.
Sous-facturation entre filiales
Même si le rapport souligne que tous les acteurs du secteur sont vraisemblablement concernés par ces pratiques, Greenpeace cible ses accusations sur Danzer. Propriété de la famille allemande Danzer, le groupe homonyme (établi en Suisse) est un géant mondial de l'industrie forestière, dont le carnet clients renseigne des noms comme le Suédois Ikea ou le Français Saint-Gobain. Via sa filiale Siforco, Danzer est actif en RDC, dont il exporte quelque 40 pc des produits forestiers. En République du Congo, il est représenté par une autre filiale, IFO.
Basant son argumentation sur les courriers internes et les documents comptables de Danzer sur lequel l'ONG a mis la main, Greenpeace affirme que le groupe a mis au point un processus de blanchiment de ses profits, au détriment des administrations fiscales et douanières des deux Congo. Le rapport détaille comment la Siforco et l'IFO vendent le bois congolais en Suisse à Interholco AG, le bras commercial de Danzer, à un prix officiel inférieur à la valeur réelle du marché. La marge est compensée par des paiements non-officiels sur des comptes offshore d'un paradis fiscal, contrôlés par Interholco. Le bois est ensuite revendu par Interholco selon le principe de pleine concurrence, soit à sa valeur réelle.
"Cette sous-facturation systématique permet à Danzer d'échapper à la taxation (40 pc en RDC, 38 pc au Congo) de ses bénéfices réels et de réduire sa taxe à l'exportation (basée sur la valeur déclarée du produit - NdlR)", précise Marc-Olivier Herman, directeur de campagne de Greenpeace Belgique.
Greenpeace ajoute que, pour les mêmes raisons, Siforco sous-facture les services (transports, usinage de grumes - les pièces de bois non équarries) aux autres filiales de Danzer. Et s'organise pour que les salaires des travailleurs expatriés soient soldés par un compte à l'étranger, de manière à éviter de payer à la RDC l'impôt exceptionnel des rémunérations des expatriés - 25 pc du salaire en monnaie locale.
"Ce phénomène contribue à soustraire des ressources financières au pays d'origine, ce qui a un impact négatif sur la population, mais aussi pour l'avenir de la forêt et de la biodiversité. Sur la période 2002-2006, nous estimons les deux pays ont été privés de 7,8 millions d'euros, soit 50 fois le budget du ministère congolais de l'Environnement", note encore Marc-Olivier Herman. "Pour s'attaquer à ce problème, il faudrait revoir les règles en matière de comptabilité" , poursuit-il, en imposant aux multinationales de déclarer leurs activités commerciales pays par pays dans leurs comptes consolidés.
"Interprétation erronée"
Danzer - précédemment ciblé par Greenpeace pour son implication avérée ou supposée, dans le commerce illégal de bois - balaye les accusations d'un revers de la main. "Il n' y a pas un mot de vrai dans tout cela", soupire Olaf Gagern, responsable "Afrique" du groupe. "Depuis 2003, nous avons payé 10 millions d'euros de taxe dans ces pays, nous créons des emplois sur place et avons investi 3 milliards dans des programmes sociaux". Oui, mais. Et les documents produits par Greenpeace ? "Ce n'est pas sérieux de baser une enquête sur des documents volés, sur lesquels Greenpeace donne une interprétation erronée" se défend Olag Gagern. Qui précise que de 99 à 2007, seules deux années ont dégagé des profits. "C'est bien la preuve que leur système fonctionne", ironise Herman. La Libre