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LOSAKO
5 juin 2009

Kabila-Muzito : Crise de confiance

KabilaetmuzitoDans une correspondance, datée 28 mai dernier, adressée au Premier ministre Adolphe Muzito «sur instruction de la haute hiérarchie», le directeur du cabinet présidentiel a signifié au chef du gouvernement que désormais tout ordonnancement des dépenses publiques devra obtenir l’autorisation préalable du chef de l’Etat. Tout en relevant l’inconstitutionnalité de cette ukase du «raïs», les observateurs y voient un désaveu à l’encontre du Palu Adolphe Muzito. Les deux têtes de l’exécutif feraient face à une profonde crise de confiance. Le souci de bonne gouvernance ne serait qu’un habillage.

La lettre du directeur de cabinet présidentiel, Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu, porte le n°0651/2009. L’objet est sans équivoque : Instruction, ordonnancement dépenses publiques. Le contenu s’articule sur deux paragraphes. «En vue de renforcer les dispositions contenues dans mes lettres (…) relatives au plan d’engagement et de trésorerie, écrit Lumanu, j’ai l’honneur de vous informer que sur instruction de la «Haute Hiérarchie», désormais, tout ordonnancement des dépenses publiques devra, avant paiement, requérir l’autorisation préalable de son excellence Monsieur le président de la République. Il en est de même des plans de trésorerie mensuels.»

Le directeur Lumanu de poursuivre : «Cette instruction, qui ne devra souffrir d’aucune restriction, reste d’application jusqu’à nouvel ordre. Elle est dictée par le souci majeur d’endiguer à très court terme, les dérapages substantiels et répétés des finances publiques et de la monnaie nationale, observés au cours des derniers mois, lesquels seraient susceptibles de compromettre les engagements de la République, souscrits auprès des partenaires multilatéraux.» Le ministre des Finances et son collègue du Budget ont reçu copie de cette missive. Le gouverneur de la Banque centrale du Congo et les directeurs de cabinet adjoints du chef de l’Etat, mêmement.

200710911_L_NC_SEN6FE_EDUCInstructions critiquables

Quelle a été la réaction du «Premier» Muzito ? Nulle ne le sait au moment où nous couchons ces lignes. Selon certaines sources, l’intéressé aurait réagi «vivement», dit-on. Une manière de signifier qu’il entend vendre chèrement sa peau. Jeudi 4 juin, par motion d’information, le député de l’opposition Jean Busa a donné lecture de cette lettre du directeur Lumanu. Les députés ont attendu en vain de prendre connaissance de la «riposte» du successeur d’Antoine Gizenga. Certains parlementaires considéraient jeudi que le chef du gouvernement congolais ne jouirait plus de la confiance de Joseph Kabila. D’autres, se fondant sur l’article 91 de la Constitution, ont fustigé en aparté l’«illégalité» de la démarche présidentielle. «A quel titre le chef de l’Etat entend s’arroger un droit de regard à priori sur l’ordonnancement des dépenses publiques ?, tonne un député. A-t-il oublié que la charge de conduire la politique de la nation incombe au gouvernement dont le chef n’est autre que le premier ministre, commente ? Ceux qui ont laissé le chef de l’Etat émettre des instructions aussi critiquables feignent d’ignorer que le gouvernement est seul responsable devant l’Assemblée nationale.»

La récente visite en RD Congo du directeur général du Fonds monétaire international, Dominique-Strauss Kahn (DSK) semble être l’élément déclencheur de l’initiative présidentielle. Lors de son séjour à Kinshasa du 23 au 25 mai, «DSK» s’est longuement entretenu avec les plus hautes autorités du pays. La RD Congo négocie un programme triennal avec le FMI comprenant notamment l’effacement de 90 % de la dette extérieure du pays évaluée à 10 milliards USD. Problème : les contrats chinois. Des contrats conclus dans une opacité quasi absolue. Lors de son séjour kinois, le patron du FMI a exhorté le gouvernement a concilié les contrats chinois avec l’allègement de la dette. Autrement dit, certaines clauses jugées «léonines» devraient faire l’objet d’une renégociation. Joseph Kabila a manifestement reçu le message cinq sur cinq. Et n’a plus confiance à son Premier ministre. Pourquoi ?

media_xl_858421«Dépenses de souveraineté»

Notons que «DSK» avait été précédé fin février par une mission du Fonds composée de quelques experts. Ceux-ci n’ont pu que constater quelques «dérapages» découlant notamment des dépenses extra-budgétaires aux conséquences dommageables pour la santé de la monnaie nationale. La devise congolaise accusait une dépréciation de 10%. «Dépenses de souveraineté» oblige ! Voilà une des raisons qui a poussé la mission à reporter au mois de juin l’examen du dossier RD Congo au Conseil d’administration du FMI. Histoire de voir le gouvernement Muzito fournir quelques efforts dans le sens de l’assainissement des finances publiques.

«Il y a sans doute un souci de voir la RD Congo remplir ses engagements internationaux dans la volonté du chef de l’Etat, explique un député étiqueté PPRD. Mais ce n’est pas tout.» Selon cet interlocuteur, Kabila et son «clan» reprocheraient à Muzito de «privilégier» le paiement des factures de ses «amis libanais». Un analyste joint au téléphone à Kinshasa va plus loin : «L’actuel locataire de la Primature se serait bâti en un temps record un empire financier composé d’une quarantaine de villas rien que dans la capitale. Muzito a acquis une dizaine de journaux paraissant dans la capitale, une radio et une chaîne de télévision.» Conclusion de cette analyste : «Le Premier ministre est devenu financièrement un adversaire potentiel pour le clan Kabila en prévision de l’échéance 2011.» Notons que le tout Kinshasa politique continue à ironiser sur le gigantisme du cabinet de l’actuel chef du gouvernement : 200 collaborateurs dont 80 conseillers.

Membre du Parti lumumbiste unifié (Palu), Adolphe Muzito a été nommé, le 10 octobre 2008, au poste Premier ministre, dans le cadre de l’«accord de partenariat» signé le 30 septembre 2006 entre cette formation politique et l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) qui soutient Joseph Kabila. "Adolphe" a succédé à son mentor politique Antoine Gizenga, qui a démissionné le 25 septembre. Quelle sera la réaction du parti cher à "Mbuta Gizenga" en cas de rupture du partenariat? Notons que le Palu compte 34 députés.

Les jours à venir seront riches en rebondissements au moment où le microcosme politique kinois parle de l’imminence d’un remaniement ministériel prévu mi-juin prochain. La population congolaise dont les conditions sociables ne cessent de se détériorer, dans l’indifférence totale du personnel politique, se tient loin de ces intrigues…

B. Amba Wetshi

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