Droits de l’homme : La RDC toujours mauvaise élève

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Margaret Sekaggya, a rendu publiques hier mercredi 3 juin 2009, les conclusions préliminaires de sa visite officielle en RD Congo. A la suite d’une mission officielle de deux semaines (du 21 mai au 3 juin), de Kinshasa à Bukavu ( Sud-Kivu), en passant par Kananga (Kasaï Occidental) et après avoir rencontré diverses personnalités ( gouvernement, députés et sénateurs, Ong, journalistes, syndicalistes, ecclésiastiques, avocats, etc.), elle a fait un constat malheureux. Selon elle, l’environnement propice aux activités des défenseurs des droits de l’homme fait défaut. Les activistes se heurtent à de nombreuses difficultés. La première inquiétude concerne la stigmatisation, aussi bien dans la capitale que dans les provinces, de la part des autorités que des acteurs non étatiques, qui les considèrent comme des « ennemis » ou des « opposants ». « Cette conception erronée alimente la méfiance et la suspicion et constitue la principale source d’insécurité pour les activistes.

Pascal Kabungulu, Polycarpe Mpoy, Franck Ngyke et son épouse Hélène Mpaka, Bapuwa Mwamba, Serge Maheshe, Didace Namujimbo et Georges Kateta ont payé un très lourds tribut en conséquence de leur engagement pacifique pour la promotion et la défense des droits de l’homme », a indiqué Margaret Sekaggya. Ils sont particulièrement exposés aux menaces et agressions lorsqu’ils soutiennent des victimes de graves violations, notamment de violences sexuelles ; ou encore lorsqu’ils luttent contre l’impunité et expriment leur soutien à la Cour Pénale Internationale (CPI). Et, enfin, lorsqu’ils dénoncent l’exploitation illégale des ressources naturelles.

L’impunité des « violeurs » L’autre motif de vive préoccupation exprimée par la Rapporteuse spéciale est l’impunité généralisée dans les cas des violations de leurs droits. Comme auteurs de ces violations, elle cite aussi bien des policiers, des militaires, des agents des renseignements que des membres des groupes armés. Préoccupée par l’enchevêtrement des pouvoirs et des prérogatives de la police, des militaires et des services de renseignements, elle a dénoncé la détention au secret dans des centres de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), auxquels la Monuc n’a aucun accès et qui échappent au contrôle de la justice. Hormis la restriction illégale des libertés fondamentales des défenseurs des droits de l’homme (libertés d’opinion et d’expression, de réunion et d’association), Margaret Sekaggya a également fait état de la suspension des médias et de l’autocensure des journalistes craignant des représailles. « Les journalistes se voient également refuser l’accès à l’information par les autorités. L’exercice du droit au rassemblement pacifique pose également un problème. Le régime d’information instauré par la Constitution de 2006 n’est souvent pas respecté dans la pratique et les défenseurs doivent obtenir une autorisation des autorités pour pouvoir manifester », a-t-elle clamé.

Recommandations

La Rapporteuse spéciale a demandé au gouvernement et aux autorités provinciales de prendre des mesures concrètes pour conférer une légitimité aux activités des défenseurs des droits de l’homme et leur donner valeur d’activités de promotion et de protection des droits humains. Aussi, de respecter le régime d’information qui régit l’exercice du droit à la liberté de rassemblement pacifique sans aucune interférence arbitraire de la part de l’Exécutif ; d’engager un dialogue soutenu et constructif avec les acteurs de la société civile en vue d’améliorer la situation des défenseurs sur le terrain et surtout les impliquer dans le processus d’observation des élections présidentielles de 2011, etc.

Elle en a appelé à la condamnation publique des assassinats et graves violations des droits de l’homme commises contre les défenseurs des droits de l’homme. Elle demande aux autorités d’enquêter, de juger et de condamner les auteurs reconnus coupables ; de faire de la lutte contre l’impunité pour les violations commises contre les défenseurs une priorité ; d’autoriser la Monuc à accéder aux lieux de détention de l’ANR ; de prendre des mesures volontaristes afin de garantir l’intégrité physique et psychologique des défenseurs, etc. Concernant les textes, elle a recommandé l’adoption des lois aux niveaux national et provincial sur la protection des défenseurs ; l’élargissement du système de justice aux zones rurales ; d’accélérer l’adoption de la loi portant création de la commission nationale des droits de l’homme qui respecte pleinement les Principes de Paris ; de mettre en place des réseaux parlementaires des droits de l’homme dans toutes les provinces ; de réformer les secteurs de la justice et de la sécurité ; d’adopter un cadre juridique pour les activités et les prérogatives de l’ANR dans le respect de l’Etat de droit ; etc.

Aux bailleurs de fond, la Rapporteuse de l’Onu demande d’assurer des services et une assistance technique suffisants dès qu’une loi portant création d’une commission nationale des droits de l’homme indépendante sera adoptée; de mettre en œuvre de manière systématique les « Lignes directrices de l’Union Européenne sur les défenseurs des droits de l’homme » ; de continuer à autonomiser la Société civile, y compris les défenseurs qui travaillent en dehors des provinces de l’Est du pays ; etc. En guise de conclusion, elle a convié toutes les parties de mener une campagne nationale d’instruction civique en introduisant notamment les droits de l’homme dans les programmes scolaires pour que soient mieux comprises les activités des défenseurs des droits de l’homme. Le Phare