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LOSAKO
19 mars 2010

Avec 600 têtes d’érosions, Kinshasa va disparaître

kinshasaLes « Bana Léo », qui vivaient dans une verdoyante ville traversée par des avenues aux noms évocateurs (Palmiers, aujourd’hui Kasa-Vubu, et Cocotiers, récemment Huileries), ne pouvaient s’imaginer dans les années 50 que les Kinois seraient en 2010 sous la menace de 600 têtes d’érosions. Qui, a affirmé le chef de l’Etat en novembre dernier, seront combattues par une « structure nationale antiérosive » à mettre en place début 2010. Mais, de la coupe aux lèvres, la promesse aura bien du mal à se réaliser, Kinshasa pouvant s’effacer brutalement de la carte de la RDC à tout instant.

Autrefois Léopoldville, dont les habitants étaient fiers d’être des « Léo men », Kinshasa aujourd’hui est rongée par 600 têtes d’érosions, dont 82 sur le seul site de l’Université de Kinshasa.

« Que sont devenues les fleurs du temps qui passe ? », s’interrogeait la célébrissime star italienne Dalida dans une de ses mélodieuses chansons des années 60.

En des termes différents mais dans le même registre, les « Kinois » voudraient bien savoir ce « que sont devenus » les palmiers et les cocotiers qui fleurissaient jadis les actuelles avenues Kasa-Vubu et Démocratie (ex-Huileries), les avocatiers de la 7ème Rue à Limete, les eucalyptus du Quartier 1 à N’Djili, et tant d’autres arbres dont les fruits et le feuillage assuraient quiétude et bonheur des fringants « Léo men ».

« En 1945, la ville de Kinshasa s’arrêtait sur l’avenue Kabinda. Un cimetière se trouvait à l’emplacement actuel de la Radio télévision nationale congolaise (RTNC). L’aéroport de N’dolo était à l’extrémité de la ville. Au début des années 50, on a loti Mboka ya Sika ( Nouvelle cité, ndlr) comprenant les communes de Kalamu, Kasa-Vubu et de Ngiri-Ngiri. En 1962, les communes de Ngaliema et de Mont-Ngafula appartenaient à la province du Kongo central », rappelle Léon de Saint Moulin jésuite et professeur émérite aux Facultés catholiques de Kinshasa, installé en RDC depuis le 14 août 1959.

« En 1959, j’ai acheté un plan de Kinshasa qui représentait la ville à cette époque. La première chose qui frappe, c’est la quantité d’espace libre. Les Barumbu, Kinshasa, St Jean (Lingwala, aujourd’hui), Bandalungwa qui s’étendait jusqu’à Ngiri-Ngiri, Kasa-Vubu et Kintambo constituent des anciennes cités. Alors, un plan beaucoup plus élaboré était conçu pour tout ce qu’on a appelé les cités planifiées », précise-t-il.

« Cités planifiées », telles étaient les communes de la ville de Kinshasa, dépourvue depuis plusieurs années d’une politique d’urbanisation, les lotissements s’étant faits à la Far West, genre « premier occupant ».

« Tout cela prouve à suffisance que les nouvelles cités ont été construites entre 1945 et 1950. Ensuite, on va construire des cités avec un plan beaucoup plus élaboré. Il s’agit de Kauka, de l’ancien quartier Immocongo, devenu quartier du 20 Mai, de Yolo-Sud, Yolo-Nord et Bandalungwa », se souvient-il encore.

eurosionkinUNE MENACE

La ville de Kinshasa, bâtie sur un terrain tantôt marécageux, tantôt sablonneux, se trouve sous une menace évidente de disparition de la carte de la RDC, du fait de l’amplification actuelle de 600 têtes d’érosions, dont 82 sur le site de l’Université de Kinshasa.

Une étude scientifique renseigne que « l’activité érosive se localise plus particulièrement sur les flancs des collines ayant des pentes de 10 % et perturbés par un développement anarchique de l’urbanisation ».

« C’est maintenant par dizaines de mètres, qu’à chaque orage important, se chiffre le recul accompagné de la destruction totale des ouvrages antiérosifs, précisément construits pour contrôler cette situation ».

Conscient du fait, le président de la République a annoncé le 29 novembre 2009 à Mbuji-Mayi la mise en place début 2010 d’une « structure nationale de lutte antiérosive ». Sa mission principale étant « la prévision et la gestion des érosions, elle sera dotée d’une expertise avérée en la matière » pour faire face au « phénomène des érosions », a expliqué Joseph Kabila. Un phénomène qui, a-t-il déploré, s’est répandu dans plusieurs provinces, notamment le Kasaï Oriental, le Bandundu, l’Equateur et la ville de Kinshasa.

Au niveau de l’Assemblée nationale, la question des érosions et des moyens de lutte avait été évoquée en session budgétaire de 2008. « Aujourd’hui, le risque de voir les villes de Bukavu (Sud-Kivu), Mbuji-Mayi (Kasaï Oriental), Kananga (Kasaï Occidental) et Kinshasa rayées de la carte du pays, à cause du mauvais état de leurs voiries et de grandes érosions y recensées, devient de plus en plus grand », s’était-elle inquiétée.

« Il ne faut pas s’attendre à une amélioration de la situation tant que les constructions anarchiques fleuriront, tant que les caniveaux resteront bouchés, tant que les pluies diluviennes s’abattront sur la capitale, tant que les offices des voiries urbaines et des routes ainsi que le ministère en charge des infrastructures n’auront pas une politique concertée de lutte antiérosive et des ressources financières conséquentes, Kinshasa ira disparaissant de manière irréversible », avertissent des experts.

Selon le département des Sciences de la terre de l’Unikin, la ville de Kinshasa (10.000 km2) est déstabilisée par des dizaines de têtes de ravins, dont 600 ont été recensées en 2003, résultant d’une grave érosion due au ruissellement accéléré des eaux pluviales.

« L’activité érosive se localise plus particulièrement sur les flancs des collines ayant des pentes de plus de 10 % et perturbés par l’occupation urbaine. La nature intrinsèquement sablonneuse des collines ceinturant la plaine alluvionnaire de Kinshasa associée à une démographie galopante, un développement anarchique de l’urbanisation et une pluviométrie typique d’un climat tropical humide sont autant de facteurs concourant au développement et à l’amplification actuelle de cette érosion dont la menace sur le site de la ville de Kinshasa est plus qu’évidente », relève-t-il.

L’URGENCE S’IMPOSE

HPIM1444Une enquête du journal Le Potentiel rapporte que les érosions de Binza/Ozone, Binza/Delvaux, de l’avenue de l’Ecole (camp Tshatshi et Masikita), de Selembao, l’UPN, l’Unikin, Kimwenza et de Kisenso - dont les terres se déversent sur certains quartiers de Matete - sont très remarquables.

Le quartier Kindele (Mont Ngafula), la commune de Makala aux routes souvent coupées par les érosions au niveau de Libulu 1 et 2 ainsi que le quartier Bibwa (N’Sele) sont également frappés.

Sur le plan environnemental, ces ravins de grande envergure hors de contrôle entaillent les couches de sable sur une grande profondeur dans la partie haute de la ville, tandis que les sédiments ainsi déblayés dévalent les pentes et ensevelissent l’habitat dans la partie basse et y provoquent des inondations parfois meurtrières.

« Par voie de conséquence, il en est de même des lotissements limitrophes dont certains, par suite de leur position particulière par rapport aux têtes d’érosion, sont menacés de destruction totale et rapide. Il en va de même des infrastructures sociales, tel qu’on peut le constater de visu à Binza/Delvaux où la moitié d’une école, située en bordure de la route de Matadi, a déjà été emportée par l’érosion », illustre le département des Sciences de la terre de l’Unikin.

Les impacts sociaux et économiques des érosions augmentant « de manière exponentielle à chaque orage tropical », ce sont des dizaines de millions de dollars américains que le gouvernement doit mettre urgemment à la disposition des offices des voiries urbaines et des routes ainsi que des entreprises expertes dans la lutte antiérosive. En attente, la mise en branle de la structure nationale antiérosive promise par le chef de l’Etat.

Sinon, plus de Kinshasa, plus de Kinois et adieu les « Léo men ». Car n’oublions pas, Kinshasa est bâti sur un vieux lac. Il est traversé par une dizaine de rivières. Si le banditisme urbanistique se poursuit, que toute initiative de modernisation de la capitale ne prend pas en compte les conseils utiles du Bureau d’Etudes et d’Aménagement Urbain, BEAU, une catastrophe naturelle est vite arrivée.

3229042895_9076139fbe_oPour preuve, il suffit de quelques gouttelettes d’eau pour que les Kinois se retrouvent les pieds dans l’eau. Cela est dû au fait que plusieurs rivières ne se jettent plus dans le fleuve Congo, car bouchés, voire obstrués par quelques inciviques se recrutant parmi les nouveaux riches qui construisent n’importe comment. En cas de pluies diluviennes, il y a reflux d’eau, inondant ainsi plusieurs communes, si pas toutes les communes, car par ces temps de banditisme urbanistique, aucune commune n’est épargnée. Ajouter à cela, des auto-constructions qui ne tiennent pas compte de la solidité du sous-sol.

En effet, il existe à Kinshasa des endroits où il est interdit d’ériger des immeubles au-delà du seuil de certains niveaux. C’est ainsi qu’il nous revient, à titre d’exemple, que de part et d’autre de l’avenue Luambo, il ne peut y avoir des immeubles à plus de quatre niveaux. C’est dire qu’au moindre mouvement tectonique, ces immeubles peuvent connaître des résultats désagréables avec des conséquences incalculables. Quand on sait que ces immeubles ne sont nullement entretenus, avec l’usure de temps, il n’est pas étonnant que Kinshasa connaisse des cas semblables à ceux survenus dans certaines capitales ou villes africaines et européennes. Notamment, le Caire, Alger, Liège, et nous en passons.

Pire, il n’existe plus de politique de reboisement. L’on assiste actuellement à un abattage systématique des arbres sans que l’on songe à les replanter. Or, ce sont les plantes qui solidifient le sol. Et dans un terrain marécageux et sablonneux comme Kinshasa, la protection des arbres doit relever d’une politique de protection de la nature. Hélas ! Le pire est à craindre. Kinshasa va disparaître, si l’on n’y prend garde. Le Potentiel

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